Né en France d’une famille qui avait quitté la Pologne en 1931, où le père était un militant et quasi-permanent du Bund, donc très attaché au yiddish, Jean Spector a passé son enfance en Haute-Savoie. La proximité de la Suisse a permis à toute la famille de s’échapper et de trouver un refuge sûr pendant la guerre.
Le foyer était le plus souvent bilingue, les parents s’adressant aux enfants en yiddish, les enfants répondant en français. Cette présence constante du yiddish était à la fois considérée comme quelque chose de naturel et, dans l’environnement scolaire, comme une sorte de « fierté » que le petit garçon tirait du fait de comprendre une langue dont ses camarades ignoraient jusqu’à l’existence.
Jean Spector a mené des études normales jusqu’à la licence d’Anglais, mais n’a que très peu enseigné, puis a occupé divers emplois et diverses positions dans le commerce, principalement en province.
Ce n’est qu’à son retour définitif à Paris, en 1983, et surtout après la lecture du Shtetl de Rachel Ertel, qu’il s’est rendu compte que des enseignants et des intellectuels consacraient toute leur énergie à étudier et à faire connaître ce qui avait été le tissu de sa propre enfance grâce aux récits de ses parents. Il n’était donc pas seul à avoir ce monde-là et cette langue-là dans la tête… Il fallait absolument se rapprocher de ce milieu !
Cela l’a conduit à fréquenter les cours de l’Université Paris 7 où enseignaient Rachel Ertel et Yitskhok Niborski. Il est également devenu un assidu de la Bibliothèque Medem, puis de la Maison de la culture yiddish. C’est sur les instances de Maurice Glazman, dont il est devenu le « binôme », qu’il s’est mis à l’enseignement quand il s’est senti un peu plus sûr de lui.
Jean Spector est également très intéressé par les questions de traduction. Il a, entre autres, avec quelques amis, participé à la création d’un atelier qui a produit deux traductions de textes littéraires français vers le yiddish, expérience très enrichissante qui oblige à une sorte de recréation d’un passé ancien pour retrouver le « mot juste », celui qu’auraient employé les parents.